Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/187

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la mer toute émue, verdâtre, écumeuse, grondante, qui venait avec un bruit terrible battre les côtes, comme si la main de Dieu n’eût pas été là pour la contenir ; Georges était arrivé au pied de la montagne des Signaux, il contourna la base, toujours emporté par la course fantastique de son cheval, traversa le pont Bourgeois, prit à sa droite la rue de la Côte-d’Or, longea par derrière les murailles du quartier, et traversant le rempart, descendit par la rue de la Rampe dans le jardin de la Compagnie ; de là, remontant par la ville déserte au milieu des débris de cheminées abattues, des murs croulants, des tuiles volantes, il suivit la rue de la Comédie, tourna brusquement à droite, prit celle du Gouvernement, s’enfonça dans l’impasse située en face du théâtre, sauta de son cheval, ouvrit la barrière qui séparait l’impasse de la ruelle plantée d’arbres qui dominaient la maison de monsieur de Malmédie, referma la barrière derrière lui, jeta la bride sur le cou d’Antrim, qui, n’ayant plus d’issue, ne pouvait fuir ; puis se laissant glisser sur les toits adossés à la ruelle, et s’élançant des toits à terre, il se trouva dans le chantier sur lequel donnaient les fenêtres du pavillon que nous avons décrit.

Pendant ce temps, Sara était dans sa chambre, écoutant mugir le vent, se signant à chaque éclair, priant sans cesse, appelant la tempête, car elle espérait que la tempête arrêterait Georges ; puis tout à coup, tressaillant en se disant tout bas que quand un homme comme lui a dit qu’il ferait une chose, dût le monde tout entier crouler sur lui, il la fera. Alors, elle suppliait Dieu de calmer ce vent et d’éteindre ces éclairs : elle voyait Georges brisé sous quelque arbre, écrasé par quelque rocher, roulant au fond de quelque torrent, et elle comprenait alors avec effroi combien son sauveur avait pris un rapide pouvoir sur elle ; elle sentait que toute résistance à cette attraction était inutile, que toute lutte enfin était vaine contre cet amour, né de la veille et déjà si puissant, que son pauvre cœur ne pouvait que se débattre et gémir, se reconnaissant vaincu sans avoir même essayé de lutter.

À mesure que l’heure s’avançait, l’agitation de Sara devenait plus vive. Les yeux fixés sur la pendule, elle suivait le mouvement de l’aiguille, et une voix du cœur lui disait qu’à chacune des minutes que l’aiguille marquait, Georges se