Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/230

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avec l’apparence du désespoir, tous criant à la fois ou tour à tour : Yamsé ! Yamli ! Ô Hoseïn ! Ô Ali !

Pendant qu’ils se livrent à cette gymnastique religieuse, quelques-uns d’entre eux s’en vont offrant à tout venant du riz bouilli et des plantes aromatiques.

Cette promenade dure jusqu’à minuit ; puis, à minuit, ils rentrent au camp Malabar dans le même ordre qu’ils en sont sortis, pour n’en plus sortir que le lendemain à la même heure.

Mais le lendemain la scène changea et s’agrandit. Après avoir fait dans la ville la même promenade que la veille, les Lascars, à la nuit venue, rentrèrent au camp, mais pour aller chercher le gouhn, résultat de la réunion des deux bandes. Il était cette année plus grand et plus splendide que tous les précédents. Couvert des papiers les plus riches, les plus éclatants et les plus disparates, éclairé au dedans par de grandes masses de feu, au dehors par des lanternes de papiers de toutes couleurs suspendues à tous les angles et à toutes les anfractuosités, qui faisaient ruisseler sur ses vastes flancs des torrents de lumière changeante, il s’avança porté par un grand nombre d’hommes, les uns placés dans l’intérieur, les autres à l’extérieur, et qui tous chantaient une sorte de psalmodie monotone et lugubre ; devant le gouhn marchaient des éclaireurs, balançant au bout d’une perche d’une dizaine de pieds des lanternes, des torches, des soleils et d’autres pièces d’artifice. Alors, la danse des aïdorés et les combats corps à corps reprirent de plus belle. Les dévots aux robes déchirées recommencèrent à se frapper la poitrine en poussant des cris de douleur, auxquels toute la masse répondait par les cris alternés de : Yamsé ! Yamli ! Ô Hoseïn ! Ô Ali ! cris encore plus prolongés et plus déchirants que les mêmes cris poussés la veille.

C’est que le gouhn qu’ils accompagnent cette fois est destiné à représenter à la fois la ville de Keberla, près de laquelle périt Hoseïn, et le tombeau dans lequel furent enfermés ses restes : en outre, un homme nu, peint en tigre, figurait le lion miraculeux qui, pendant plusieurs jours, veilla sur les dépouilles du saint iman. De temps en temps il s’élançait sur les spectateurs en poussant des rugissements comme s’il eût voulu les