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nières instructions, et la lune, glissant dans l’intervalle de deux nuages, répandait un instant sa lumière sur le groupe qu’il commandait, sinon de la taille, du moins de la voix et du geste, quand tout à coup un buisson situé à une quarantaine de pas des fugitifs s’enflamma, la détonation d’une arme à feu se fit entendre, et Georges tomba aux pieds de Laïza frappé d’une balle dans le côté.

En même temps un homme, dont on put un instant suivre dans l’ombre la course rapide, s’élança du buisson tout fumant encore dans un ravin qui s’étendait derrière lui, le suivit dans toute sa longueur, caché à tous les yeux ; puis, reparaissant à son extrémité, regagna par un circuit les rangs des soldats anglais, arrêtés au bord du ruisseau des Pucelles.

Mais si rapide qu’eût été la course de l’assassin, Laïza l’avait reconnu, et avant qu’il ne perdît tout à fait connaissance, le blessé put lui entendre murmurer ces trois mots accompagnés d’un geste de menace, calme mais implacable :

— Antonio le Malaï !


XXIII

UN CŒUR DE PÈRE.


Pendant que les différents événements que nous venons de raconter s’accomplissaient au Port-Louis, Pierre Munier attendait anxieusement à Moka le résultat terrible que lui avait laissé entrevoir son fils : habitué, comme nous l’avons dit, à cette éternelle suprématie des blancs, il avait fini par considérer cette suprématie non-seulement comme un droit acquis, mais comme une supériorité naturelle. Quelle que fût la confiance que lui inspirât son fils, il ne pouvait donc croire que ces obstacles, qu’il regardait comme insurmontables, s’aplaniraient devant lui.

Depuis le moment où, comme nous l’avons vu, Georges avait pris congé de lui, il était donc tombé dans une apathie profonde ;