Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/309

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cupent pas de vous convaincre, mais qui parlent avec conviction ; c’était un de ces hommes qui, élevés au milieu des grandes scènes de la nature, ont cherché et trouvé le Seigneur dans ses œuvres ; c’était enfin un de ces cœurs sereins qui attirent à eux les cœurs souffrants pour les soutenir et les consoler, en prenant pour eux-mêmes une part de leurs douleurs.

Aux premiers mots que Georges et le vieillard échangèrent, tous deux ils se tendirent la main.

C’était une causerie intime et non une confession que le vieillard venait réclamer du jeune homme : mais, hautain en face de la force, Georges était humble devant la faiblesse, Georges s’accusa de son orgueil ; c’était, comme Satan, son seul péché, et comme Satan, ce péché l’avait perdu.

Mais aussi, à cette heure même, c’était cet orgueil qui le soutenait, c’était cet orgueil qui le faisait fort, c’était cet orgueil qui le faisait grand.

Il est vrai que la grandeur, selon les hommes, n’est pas la grandeur selon Dieu.

Vingt fois le nom de Sara se présenta sur les lèvres du jeune homme ; mais toujours il repoussa ce nom jusqu’au fond de son cœur, sombre abîme où s’engloutissaient tant d’émotions, et dont son visage, comme une couche de glace, recouvrait la profondeur.

Pendant que le prêtre et le condamné causaient, la porte s’ouvrit et le directeur parut.

— L’homme que vous avez fait demander, dit-il, est là et attend que vous puissiez le recevoir.

Georges pâlit quelque peu et un léger frisson courut par tout son corps.

Cependant il fut presque impossible de s’apercevoir de ce qu’il venait d’éprouver.

— Faites entrer, dit-il.

Le prêtre voulut se retirer, mais Georges le retint.

— Non, restez, lui dit-il, ce que j’ai à dire à cet homme peut se dire devant vous.

Puis cette âme orgueilleuse avait peut-être besoin, pour conserver toute sa force, d’avoir un témoin de ce qui allait se passer.