Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/316

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faisaient la haie de chaque côté de la rue, gardant le prisonnier et contenant les curieux.

Lorsqu’il parut il se fit une grande rumeur ; cependant, contre l’attente de Georges, ce n’était pas l’accent de la haine qui dominait dans le bruit qui accueillit sa présence ; il y avait de tout, mais surtout de l’intérêt et de la pitié.

C’est qu’il y a toujours une puissante fascination dans l’homme beau et fier en face de la mort.

Georges marchait d’un pas ferme, la tête haute et le visage calme ; disons-le, il se passait pourtant à cette heure quelque chose de terrible dans son cœur.

Il pensait à Sara.

À Sara qui n’avait pas cherché à le voir, qui ne lui avait pas écrit un mot, qui ne lui avait pas donné un souvenir.

À Sara dans laquelle il avait cru, et à laquelle il devait sa dernière déception.

Il est vrai qu’avec l’amour de Sara il eût regretté la vie ; l’oubli de Sara, c’était la lie de son calice.

Et puis, à côté de son amour trahi, murmurait son orgueil déçu.

Il avait donc échoué en toutes choses ; sa supériorité ne l’avait mené à aucun but.

Le résultat de cette longue lutte c’était l’échafaud, où il marchait abandonné de tous.

Quand on parlerait de lui, on dirait : C’était un insensé.

De temps en temps, tout en marchant, tout en regardant, un sourire passait sur ses lèvres, répondant à ses pensées. Ce sourire, pareil en dehors à tous les sourires, était bien amer en dedans.

Et cependant il l’espérait à tous les angles de rues, il la cherchait à toutes les fenêtres.

Elle qui avait laissé tomber son bouquet devant lui lorsque, emporté par Antrim, lorsque, vainqueur, il courait au triomphe, ne laisserait-elle donc pas tomber une larme sur son chemin, lorsque, vaincu, il marchait à l’échafaud ?

Mais nulle part il n’apercevait rien.

Il suivit ainsi la rue de Paris dans toute sa longueur ; puis il prit à droite, et s’avança vers l’église du Saint-Sauveur.

Elle était tendue de noir comme pour un convoi funéraire :