Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/329

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Il y eut un moment de silence.

— Mais, dit Pierre Munier, il me semble que la frégate a disparu.

— C’est-à-dire que comme le soleil est à l’horizon, ses voiles sont dans l’ombre, répondit Jacques ; mais voyez dans cette direction, mon père.

Et le jeune homme étendit la main pour diriger le regard du vieillard.

— Oui, oui, dit Pierre, je l’aperçois.

— Elle s’est même rapprochée, dit Georges.

— Oui, de quelque chose comme d’un mille ou deux ; tiens, regarde en ce moment, Georges, et tu apercevras jusqu’à ses basses voiles ; elle n’est plus guère qu’à quinze milles de nous.

On était en ce moment à la hauteur de la passe du Cap, c’est-à-dire qu’on commençait à dépasser l’île ; le soleil se couchait à l’horizon dans un lit de nuages, et la nuit venait avec cette rapidité particulière aux latitudes tropicales.

Jacques fit un signe à maître Tête-de-Fer, lequel s’approcha son chapeau à la main.

— Eh bien ! maître Tête-de-Fer, dit Jacques, que devons-nous penser de ce bâtiment ?

— Mais, sauf respect, vous en savez plus que moi là-dessus, mon capitaine.

— N’importe, je désire avoir votre opinion. Est-ce un bâtiment marchand, ou un bâtiment de guerre ?

— Vous voulez plaisanter, mon capitaine, répondit Tête-de-Fer en riant de son large rire, vous savez bien qu’il n’y a pas dans toute la marine marchande, même dans la compagnie des Indes, un bâtiment marchand qui puisse nous suivre, et celui-ci a gagné sur nous.

— Ah ! et combien a-t-il gagné sur nous depuis le moment que nous l’avons eu en vue, c’est-à-dire depuis trois heures ?

— Mon capitaine le sait bien.

— Je demande votre avis, maître Tête-de-Fer ; deux avis valent mieux qu’un.

— Mais, mon capitaine, il a gagné deux milles à peu près.

— Très bien, et, selon votre supposition, qu’est-ce que ce bâtiment ?

— Vous l’avez reconnu, capitaine ?