lèvent la tête devant la mitraille, et qui plient les genoux devant un préjugé. Le lion attaque l’homme, cette image terrestre de Dieu, et s’enfuit épouvanté, dit-on, lorsqu’il entend le chant du coq.
Quant à Georges, qui, en voyant couler son sang, n’avait pas laissé échapper une seule larme, il éclata en sanglots dès qu’il se retrouva les mains vides en face de son père, qui le regardait tristement sans essayer même de le consoler. Quant à Jacques, il se mordait les poings de colère, et jurait qu’un jour il se vengerait de Henri, de monsieur de Malmédie et de tous les blancs.
Dix minutes à peine après la scène que nous venons de raconter, un messager couvert de poussière accourut annonçant que les Anglais descendaient par les plaines Williams et la petite rivière, au nombre de dix mille ; puis presque aussitôt la vigie placée sur le morne de la Découverte signala l’arrivée d’une nouvelle escadre anglaise qui, jetant l’ancre dans la baie de la grande rivière, déposa cinq mille hommes sur la côte. Enfin, en même temps on apprit que le corps d’armée repoussé le matin s’était rallié sur les bords de la rivière des Lataniers, et était prêt à marcher de nouveau sur le Port-Louis en combinant ses mouvements avec les deux autres corps d’invasion qui s’avançaient, l’un par l’anse Courtois, et l’autre par le Réduit. Il n’y avait plus moyen de résister à de pareilles forces ; aussi, aux quelques voix désespérées qui, en appelant au serment fait le matin de vaincre ou mourir, demandaient le combat, le capitaine-général répondit-il en licenciant la garde nationale et les volontaires, et en déclarant que, chargé de pleins pouvoirs de sa majesté l’empereur Napoléon, il allait traiter avec les Anglais de la reddition de la ville.
Il n’y avait que des insensés qui eussent pu essayer de combattre une pareille mesure ; vingt-cinq mille hommes en enveloppaient quatre mille à peine ; aussi, sur l’injonction du capitaine-général, chacun se retira chez soi ; de sorte que la ville resta occupée seulement par la troupe réglée.
Dans la nuit du 2 au 3 décembre, la capitulation fut arrêtée, et signée à cinq heures du matin ; elle fut approuvée et échangée ; le même jour l’ennemi occupa les lignes ; le lendemain il prit possession de la ville et de la rade.