Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/94

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— Antonio, cria Cambeba, Antonio, moi prie toi de rendre banane à moi ; banane il été pour pauvre femme à moi, qui l’été malade et qui pas pouvoir mangé autre chose. Moi l’avoir volé, tant moi avoir besoin de li.

— Le bien volé ne profite jamais, répondit philosophiquement Antonio en continuant d’éplucher sa banane.

— Ah ! pauvre Narina, pauvre Narina ; n’aura rien à manger et aura faim, bien faim.

— Mais ayez donc pitié de ce malheureux, dit le jeune nègre d’Anjouan qui, au milieu de la joie de tous, était resté seul grave et mélancolique.

— Pas si bête, dit Antonio.

— Ce n’est pas à toi que je parle, reprit Nazim.

— Et à qui parles-tu donc ?

— Je parle à des hommes.

— Eh bien ! je te parle, moi, reprit Antonio, et je te dis : — Tais-toi, Nazim !

— Détachez Cambeba, reprit le jeune nègre d’un ton de suprême dignité qui eût fait honneur à un roi.

Toukal, qui tenait la corde, se retourna vers Antonio, incertain s’il devait obéir. Mais, sans répondre à sa muette interrogation :

— Je t’ai dit : Tais-toi, Nazim, et tu ne t’es pas tu, — répéta le Malais.

— Quand un chien jappe après moi, je ne lui réponds pas et je continue mon chemin. Tu es un chien, Antonio.

— Prends garde à toi, Nazim, dit Antonio en secouant la tête, quand ton frère Laïza n’est point là, tu n’es pas capable de grand’chose. Aussi, j’en suis bien sur, tu ne répéterais pas ce que tu as dit.

— Tu es un chien, Antonio, répéta Nazim en se levant.

Tous les nègres qui étaient entre Nazim et Antonio s’écartèrent, de sorte que le beau nègre d’Anjouan et le hideux Malais se trouvèrent en face l’un de l’autre, mais à dix pas de distance.

— Tu dis cela de bien loin, Nazim, reprit Antonio les dents serrées par la colère.

— Et je le répète de près, s’écria Nazim. Et d’un seul bond il se trouva à deux pas d’Antonio ; puis, la voix méprisante,