Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/97

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— Alors, tu as donc du chagrin ?

Cette fois Cambeba ne répondit qu’en agitant, en signe d’affirmation, la tête de haut en bas.

— Et pourquoi as-tu du chagrin ? demanda Laïza.

— Antonio, preni mo banane, que moi été obligé voler, pour ma femme qui été malade, et moi n’a plus rien pour donner à li à présent.

— Eh bien, alors, donne-lui un morceau de ce porc sauvage.

— Li pas capable mangi viande. Non, li pas capable, papa Laïza.

— Holà ! dit Laïza à voix haute, qui a ici une banane à me donner ?

Un douzaine de bananes sortit comme par miracle de dessous la cendre. Laïza prit la plus belle, et la donna à Cambeba, qui se sauva avec, sans prendre même le temps de remercier, puis se retournant vers Bonhomme à qui appartenait le fruit :

— Tu n’y perdras rien, Bonhomme, lui dit-il, car en place de la banane, tu auras la part de viande d’Antonio.

— Et moi, dit effrontément Antonio, qu’aurai-je donc ?

— Toi, dit Laïza, tu auras la banane que tu as volée à Cambeba.

— Mais elle est perdue, répondit le Malais.

— Cela ne me regarde pas.

— Bravo ! dirent les nègres ; le bien volé n’a pas profité jamais.

Le Malais se leva, jeta un regard de côté sur les hommes qui avaient applaudi il n’y avait qu’un instant à ses persécutions, et qui applaudissaient maintenant à son châtiment, et sortit du hangar.

— Frère, dit Nazim à Laïza, prends garde à toi, je le connais, il te jouera quelque mauvais tour.

— Veille plutôt sur toi-même, Nazim ; car de s’attaquer à moi, il n’oserait pas.

— Eh bien donc ! je veillerai sur toi, et tu veilleras sur moi, dit Nazim. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit maintenant, et nous avons, tu le sais, à parler d’autre chose.

— Oui, mais pas ici.