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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/150

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donnant sur l’escalier, et parcourir le jardin en épluchant ses roses et en écrasant des colimaçons.

Balsamo se hâta d’accourir à sa rencontre.

— Monsieur, dit-il avec une politesse d’autant plus recherchée qu’il avait sondé plus avant la pauvreté de son hôte, ― permettez-moi de vous présenter mes excuses en même temps que mes respects. J’aurais dû attendre votre réveil pour descendre, mais de ma fenêtre le coup d’œil de Taverney m’a séduit, j’ai voulu voir de près ce beau jardin et ces ruines imposantes.

— Le fait est, monsieur, que les ruines sont fort belles, répondit le baron, après avoir rendu ses politesses à Balsamo. C’est même tout ce qu’il y a de beau ici.

— C’était un château ? demanda le voyageur.

— Oui, c’était le mien, ou plutôt celui de mes ancêtres ; on l’appelait Maison-Rouge, et nous avons longtemps porté ce nom avec celui de Taverney. La baronnie est même celle de Maison-Rouge. Mais, mon cher hôte, ne parlons plus de ce qui n’est plus.

Balsamo s’inclina en signe d’adhésion.

— Je voulais de mon côté, monsieur, continua le baron, vous faire mes excuses. Ma maison est pauvre, et je vous avais prévenu.

— Je m’y trouve admirablement bien, monsieur.

— Un chenil, mon cher hôte, un chenil, dit le baron ; un nid que les rats commencent à prendre en affection, depuis que les renards, les lézards et les couleuvres les ont chassés de l’autre château. Ah ! pardieu, monsieur, continua le baron, vous qui êtes sorcier, ou peut s’en faut, vous devriez bien relever d’un coup de baguette le vieux château de Maison-Rouge, et ne pas oublier surtout les deux mille arpents de prés et de bois qui formaient sa ceinture. Mais je gage qu’au lieu de songer à cela, vous avez eu la politesse de dormir dans un exécrable lit.

— Oh ! monsieur.

— Ne vous défendez pas, mon cher hôte. Le lit est exécrable, je le connais, c’est celui de mon fils.