Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/168

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Son teint était admirable ; on voyait le sang courir sur le tissu délicat de sa peau ; sa poitrine, son cou, ses épaules, étaient d’une suprême beauté ; ses mains étaient royales. Elle avait deux démarches bien distinctes : l’une qu’elle prenait, et celle-là était ferme, noble et un peu pressée ; l’autre, à laquelle elle se laissait aller, et celle-là était molle, balancée et pour ainsi dire caressante. Jamais femme n’a fait la révérence avec plus de grâce. Jamais reine n’a salué avec plus de science. Pliant la tête une seule fois pour dix personnes, et dans cette seule et unique inclinaison, donnant à chacun ce qui lui revenait.

Ce jour-là, Marie-Antoinette avait son regard de femme, son sourire de femme, et même de femme heureuse ; elle était décidée, si la chose était possible, à ne pas redevenir dauphine de la journée. Le calme le plus doux régnait sur son visage, la bienveillance la plus charmante animait ses yeux. Elle était vêtue d’une robe de soie blanche, et ses beaux bras nus supportaient un mantelet d’épaisses dentelles.

À peine eut-elle mis pied à terre qu’elle se retourna pour aider à descendre de voiture une de ses dames d’honneur que l’âge appesantissait un peu ; puis, refusant le bras que lui offrait l’homme à l’habit noir et au cordon bleu, elle s’avança, libre, aspirant l’air et jetant les yeux autour d’elle, comme si elle voulait profiter jusqu’en ses moindres détails de la rare liberté qu’elle se donnait.

— Oh ! le beau site, les beaux arbres, la gentille maisonnette ! dit-elle. Qu’on doit être heureux dans ce bon air et sous ces arbres qui vous cachent si bien.

En ce moment Philippe de Taverney arriva suivi d’Andrée, qui, avec ses longs cheveux tordus en nattes, et vêtue d’une robe de soie gris de lin, donnait le bras au baron, vêtu d’un bel habit de velours bleu de roi, débris de son ancienne splendeur. Il va sans dire que, suivant la recommandation de Balsamo, le baron n’avait pas oublié son grand cordon de Saint-Louis.

La dauphine s’arrêta dès qu’elle vit les deux personnes qui venaient à elle.