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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/22

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Le silence s’étendit sur l’assemblée plus profond que jamais ; les lampes semblèrent pâlir, ces fantômes étaient bien véritablement des fantômes, car pas un n’avait d’haleine.

— Feu, dit le président.

La détente partit, la pierre étincela sur la batterie ; mais la poudre du bassinet seule prit feu, et aucun bruit n’accompagna sa flamme éphémère.

Un cri d’admiration s’échappa de presque toutes les poitrines, et le président, par un mouvement instinctif, étendit la main vers l’inconnu.

Mais deux épreuves ne suffisaient point aux plus difficiles, et quelques voix crièrent :

— Le poignard ! le poignard !

— Vous l’exigez ? demanda le président.

— Oui, le poignard ! le poignard ! reprirent les mêmes voix.

— Apportez donc le poignard, dit le président.

— C’est inutile, fit l’inconnu, en secouant la tête d’un air de dédain.

— Comment, inutile ? s’écria l’assemblée.

— Oui, inutile, reprit le récipiendaire d’une voix qui couvrait toutes les voix ; inutile, je vous le répète, car vous perdez un temps précieux.

— Que dites-vous là ? s’écria le président.

— Je dis que je sais tous vos secrets, que ces épreuves que vous me faites subir sont des jeux d’enfant, indignes d’occuper un instant des être sérieux. Je dis que cet homme assassiné n’est point mort ; je dis que ce sang que j’ai bu était du vin renfermé dans une outre aplatie sur sa poitrine et caché sous ses vêtements ; je dis que la poudre et les balles de ce pistolet sont tombées dans la crosse au moment où, en armant le chien, j’ai fait jouer la bascule qui les engloutit. Reprenez donc votre arme impuissante, bonne à effrayer les lâches. Relève-toi donc, cadavre menteur : tu n’épouvanteras pas les forts.

Un cri terrible fit retentir les voûtes.

— Tu connais nos mystères ! s’écria le président ; tu es donc un voyant ou un traître ?