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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/260

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— Et vous ne réfléchissez pas combien une chanson peut faire passer de mauvaises heures à moi qui suis une femme !

— Vous êtes une reine.

— Oui, une reine non présentée.

— Je vous jure, madame, que je ne vous ai jamais fait de mal.

— Non, mais vous m’en avez laissé faire.

— Le moins possible.

— Allons, je veux bien le croire.

— Croyez-le.

— Il s’agit donc, maintenant, de faire le contraire du mal : il s’agit de faire le bien.

— Aidez-moi, je ne puis manquer d’y réussir.

— Êtes-vous pour moi, oui ou non ?

— Oui.

— Votre dévouement ira-t-il jusqu’à soutenir ma présentation ?

— Vous-même y mettrez des bornes.

— Songez-y, mon imprimerie est prête ; elle fonctionne nuit et jour, et dans vingt-quatre heures mes grimauds auront faim, et quand ils ont faim ils mordent.

— Je serai sage. Que désirez-vous ?

— Que rien de ce que je tenterai ne soit traversé.

— Oh ! quant à moi, je m’y engage.

— Voilà un mauvais mot, dit la comtesse en frappant du pied, et qui sent le grec ou le carthaginois, la foi punique, enfin.

— Comtesse !…

— Aussi, je ne l’accepte pas ; c’est un échappatoire. Vous serez censé ne rien faire, et monsieur de Choiseul agira. Je ne veux pas de cela, entendez-vous ? Tout ou rien. Livrez-moi les Choiseul garrotés, impuissants, ruinés, ou je vous annihile, je vous garrotte, je vous ruine. Et, prenez garde, la chanson ne sera pas ma seule arme, je vous en préviens.

— Ne menacez pas, madame, dit M. de Sartines devenu rêveur, car cette présentation est devenue d’une difficulté que vous ne sauriez concevoir.