Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quatre roues de pareil diamètre et soutenu par de solides ressorts, avançait néanmoins avec assez de rapidité pour justifier cette exclamation échappée aux spectateurs :

— Voilà une singulière voiture pour courir la poste !

Que nos lecteurs, qui fort heureusement pour eux ne l’ont pas vue passer, nous permettent de la leur décrire.

D’abord la caisse principale (nous disons la caisse principale, parce que cette caisse était précédée d’une manière de cabriolet), d’abord la caisse principale, disons-nous, était peinte en bleu clair et portait en pleins panneaux un élégant tortil, surmontant un J et un B artistement entrelacés.

Deux fenêtres, nous disons des fenêtres et non des portières, deux fenêtres, avec des rideaux de mousseline blanche, donnaient du jour dans l’intérieur ; seulement ces fenêtres, à peu près invisibles au profane vulgaire, étaient pratiquées dans la partie antérieure de cette caisse et donnaient dans le cabriolet. Un grillage permettait à la fois de causer avec l’être, quel qu’il fût, qui habitait cette caisse, et de s’appuyer, ce qu’on n’eût pu faire avec sécurité sans cette précaution, et de s’appuyer, disons-nous, contre les vitres sur lesquelles étaient tendus ces rideaux.

Cette caisse postérieure, qui paraissait être la partie importante de ce singulier coche, et qui pouvait avoir huit pieds de long sur six de large, ne recevait donc de jour que par ces fenêtres, et d’air que par un vasistas vitré ouvrant sur l’impériale ; enfin, pour compléter la série des singularités que ce véhicule offrait aux regards des passants, un tuyau de tôle, excédant cette impériale d’un bon pied pour le moins, vomissait une fumée aux panaches bleuâtres qui s’en allaient blanchissant en colonnes, et s’élargissant en vagues dans le sillage aérien de la voiture emportée.

De nos jours une pareille particularité n’aurait d’autre résultat que de faire croire à quelque invention nouvelle et progressive, dans laquelle le mécanicien aurait savamment combiné la puissance de la vapeur avec la force des chevaux.

La chose eût été d’autant plus probable que la voiture, précédée,