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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/117

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dit madame de Grammont, si ceux-là y venaient qui, n’y étant jamais venus, veulent y venir.

Tout le monde sentit, aux premières paroles de la duchesse, et surtout au ton avec lequel ces paroles étaient prononcées, de qui elle voulait parler et sur quel terrain allait manœuvrer la conversation.

— Heureusement que vouloir et pouvoir sont deux, n’est-ce pas, duchesse ? dit en se mêlant à la conversation un petit homme de soixante-quatorze ans, qui en paraissait cinquante à peine, tant sa taille était élégante, sa voix fraîche, sa jambe fine, ses yeux vifs, sa peau blanche et sa main belle.

— Ah ! voilà M. de Richelieu qui se jette aux échelles, comme à Mahon, et qui va prendre notre pauvre conversation par escalade, dit la duchesse. Nous sommes donc toujours un peu grenadier, mon cher duc ?

— Un peu ! Ah ! duchesse, vous me faites tort, dites beaucoup.

— Eh bien ! ne disais-je pas vrai, duc ?

— Quand cela ?

— Tout à l’heure.

— Et que disiez-vous ?

— Que les portes du roi ne se forcent pas…

— Comme des rideaux d’alcôve. Je suis de votre avis, duchesse, toujours de votre avis.

Le mot amena les éventails sur quelques visages, mais il eut du succès, quoique les détracteurs du temps passé prétendissent que l’esprit du duc avait vieilli.

La duchesse de Grammont rougit sous son rouge, car c’était à elle surtout que l’épigramme s’adressait.

— Mesdames, continua-t-elle, si monsieur le duc nous dit de pareilles choses, je ne continuerai pas mon histoire, et vous y perdrez beaucoup, je vous jure, à moins que vous ne demandiez au maréchal de vous en raconter une autre.

— Moi, dit le duc, vous interrompre quand vous allez probablement dire du mal de quelqu’un de mes amis, Dieu m’en préserve ! j’écoute de toutes les oreilles qui me restent.

On resserra le cercle autour de la duchesse.