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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/12

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Le roi devint fort pensif lorsqu’il vit avec quel silence et surtout avec quelle attention on regardait le résultat de cette scène.

Mais la galerie est si longue que, placés aux deux extrémités, les spectateurs ne pouvaient manquer de discrétion pour les acteurs. Ils voyaient, c’était leur droit ; ils n’entendaient pas, c’était leur devoir.

La princesse fit quelques pas au-devant du roi, et lui prit la main qu’elle baisa respectueusement.

— On dit que vous partez, Madame ? lui demanda Louis XV. Allez-vous donc en Picardie ?

— Non, sire, dit la princesse.

— Alors, je devine, dit le roi en haussant la voix, vous allez en pèlerinage à Noirmoutiers.

— Non, sire, répondit madame Louise, je me retire au couvent des Carmélites de Saint-Denis dont je puis être abbesse, vous le savez.

Le roi tressaillit, mais son visage resta calme quoique son cœur fût réellement troublé.

— Oh ! non, dit-il, non, ma fille, vous ne me quitterez point, n’est-ce pas ? C’est impossible que vous me quittiez.

— Mon père, j’ai depuis longtemps décidé cette retraite, que Votre Majesté a bien voulu autoriser ; ne me résistez donc pas, mon père, je vous en supplie.

— Oui, certes, j’ai donné cette autorisation, mais après avoir combattu longtemps, vous le savez. Je l’ai donnée parce que j’espérais toujours qu’au moment de partir le cœur vous manquerait. Vous ne pouvez pas vous ensevelir dans un cloître, vous ; ce sont des mœurs oubliées ; on n’entre au couvent que pour des chagrins ou des mécomptes de fortune. La fille du roi de France n’est point pauvre, que je sache, et si elle est malheureuse, personne ne doit le voir.

La parole et la pensée du roi s’élevaient à mesure qu’il rentrait plus avant dans ce rôle de roi et de père que jamais l’acteur ne joue mal quand l’orgueil conseille l’un et que le regret inspire l’autre.

— Sire, répondit Louise, qui s’apercevait de l’émotion de