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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/149

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Mais soudain la figure du roi s’épanouit, l’éclair jaillit de ses yeux.

— Madame la comtesse du Barry ! cria l’huissier au grand maître des cérémonies…

— Madame la comtesse de Béarn !

Ces deux noms firent bondir tous les cœurs sous des sensations bien opposées. Un flot de courtisans, invinciblement entraînés par la curiosité, s’avança vers le roi.

Madame de Mirepoix se trouva être la plus proche de Louis XV.

— Oh ! qu’elle est belle ! qu’elle est belle ! s’écria la maréchale en joignant les mains comme si elle était prête à entrer en adoration.

Le roi se retourna et sourit à la maréchale.

— Ce n’est pas une femme, dit le duc de Richelieu, c’est une fée.

Le roi envoya la fin de son sourire à l’adresse du vieux courtisan.

En effet, jamais la comtesse n’avait été si belle, jamais pareille suavité d’expression, jamais émotion mieux jouée, regard plus modeste, taille plus noble, démarche plus élégante, n’avaient excité l’admiration dans le salon de la reine, qui cependant, comme nous l’avons dit, était le salon des présentations.

Belle à charmer, riche sans faste, coiffée à ravir surtout, la comtesse s’avançait, tenue par la main de madame de Béarn, qui, malgré d’atroces souffrances, ne boitait pas, ne sourcillait pas, mais dont le rouge se détachait par atomes desséchés, tant la vie se retirait de son visage, tant chaque fibre tressaillait douloureusement en elle au moindre mouvement de sa jambe blessée.

Tout le monde arrêta les yeux sur le groupe étrange.

La vieille dame, décolletée comme au temps de sa jeunesse, avec sa coiffure d’un pied de haut, ses grands yeux caves et brillants comme ceux d’une orfraie, sa toilette magnifique et sa démarche de squelette, semblait l’image du temps passé donnant la main au temps présent.