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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/212

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jeune ami, et taillez-le à votre faim, je vous prie : le pain ne doit être mesuré qu’à ceux qui le perdent.

Un moment après, parurent des haricots verts assaisonnés au beurre.

— Voyez comme ils sont verts, dit Jacques ; ce sont de nos conserves, on les mange excellents ici.

Et il passa le plat à Gilbert.

— Merci, monsieur, dit celui-ci, j’ai bien dîné, je n’ai plus faim.

— Monsieur n’est pas de votre avis sur mes conserves, dit aigrement Thérèse ; il aimerait mieux des haricots frais, sans doute, mais ce sont des primeurs au-dessus de notre bourse.

— Non, madame, dit Gilbert, je les trouve appétissants, au contraire, et je les aimerais fort, mais je ne mange jamais que d’un plat.

— Et vous buvez de l’eau ? dit Jacques en lui tendant la bouteille.

— Toujours, monsieur.

Jacques se versa un doigt de vin pur.

— Maintenant, ma femme, dit-il en reposant la bouteille sur la table, vous vous occuperez, je vous prie, de coucher ce jeune homme ; il doit être bien las.

Thérèse laissa échapper sa fourchette et fixa ses deux yeux effarés sur son mari.

— Coucher ! êtes-vous fou ? Vous amenez quelqu’un à coucher ! C’est donc dans votre lit que vous le coucherez ? Mais, en vérité, il perd la tête. Alors vous allez tenir pension désormais ? En ce cas, ne comptez plus sur moi ; cherchez une cuisinière et une servante ; c’est assez d’être la vôtre, sans devenir aussi celle des autres.

— Thérèse, répondit Jacques de son ton grave et ferme, Thérèse, je vous prie de m’écouter, chère amie : c’est pour une nuit seulement. Ce jeune homme n’a jamais mis le pied à Paris ; il y vient sous ma conduite. Je ne veux pas qu’il couche à l’auberge, je ne le veux pas, dût-il prendre mon lit, comme vous le dites.