Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/39

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— Voici un triste avocat, murmura en elle-même madame de Béarn. J’ai peur d’avoir moins de chance avec lui devant le parlement, que je n’en avais là-bas devant mon traversin.

Puis tout haut, avec un sourire sous lequel elle essayait de dissimuler son inquiétude :

— Adieu, maître Flageot, continua-t-elle, étudiez bien la cause, je vous en prie, on ne sait pas ce qui peut arriver.

— Oh ! madame, dit maître Flageot, ce n’est point le plaidoyer qui m’embarrasse. Il sera beau, je le crois, d’autant plus beau que je me promets d’y mêler des allusions terribles.

— À quoi, monsieur, à quoi ?

— À la corruption de Jérusalem, madame, que je comparerai aux villes maudites, et sur qui j’appellerai le feu du ciel. Vous comprenez, madame, que personne ne s’y trompera, et que Jérusalem sera Versailles.

— Monsieur Flageot, s’écria la vieille dame, ne vous compromettez pas, ou plutôt ne compromettez pas ma cause !

— Eh ! madame, elle est perdue avec M. de Maupeou, votre cause ; il ne s’agit donc plus que de la gagner devant nos contemporains, et puisque l’on ne nous fait pas justice, faisons scandale !

— Monsieur Flageot…

— Madame, soyons philosophes… tonnons !

— Le diable te tonne, va ! grommela la comtesse, méchant avocassier qui ne vois dans tout cela qu’un moyen de te draper dans tes loques philosophiques. Allons chez M. de Maupeou, il n’est pas philosophe, lui, et j’en aurai peut-être meilleur marché que de toi !

Et la vieille comtesse quitta maître Flageot et s’éloigna de la rue du Petit-Lion-Saint-Sauveur, après avoir parcouru en deux jours tous les degrés de l’échelle des espérances et des désappointements.