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XXXIII

LE ROI S’AMUSE.


Le roi, charmé de son coup d’autorité qui punissait la comtesse de l’avoir fait attendre, en même temps qu’il le délivrait des ennuis de la présentation, marcha vers la porte du salon.

Chon rentrait.

— Eh bien ! voyez-vous mon service ?

— Non, sire, il n’y a personne à Votre Majesté dans les antichambres.

Le roi s’avança jusqu’à la porte à son tour.

— Mon service ! cria-t-il.

Personne ne répondit : on eût dit que le château muet n’avait pas même d’écho.

— Qui diable croirait, dit le roi en rentrant dans la chambre, que je suis le petit-fils de celui qui a dit : « J’ai failli attendre ! »

Et il alla vers la fenêtre qu’il ouvrit.

Mais l’esplanade était vide comme les antichambres : ni chevaux, ni piqueurs, ni gardes. La nuit seulement s’offrait aux yeux et à l’âme dans tout son calme et dans toute sa majesté, éclairée par une admirable lune qui montrait tremblante comme des vagues agitées la cime des arbres des bois de Chatou, et arrachait des millions de paillettes lumineuses à la Seine, serpent gigantesque et paresseux dont on pouvait suivre les replis depuis Bougival jusqu’à Maisons, c’est-à-dire pendant quatre ou cinq lieues de tours et de détours.

Puis, au milieu de tout cela, un rossignol improvisait un de ses chants merveilleux comme on n’en entend que pendant le mois de mai, comme si ses notes joyeuses ne pouvaient trouver une nature digne d’elles que pendant ces premières journées de printemps que l’on sent fuir à peine venues.