Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/107

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avoir tout dit. Eh bien, écoutez ceci, mon cher vicomte. J’aimerais mieux vous enlever de chez madame du Barry que de retirer votre M. Gilbert de chez M. Rousseau.

— Vraiment ! merci de la préférence.

— Ah ! ma foi, oui, l’on crierait moins. Vous n’avez pas l’idée comme ces gens de lettres ont l’épiderme sensible ; ils crient pour la moindre écorchure comme si on les rouait.

— Mais ne nous créons-nous pas des fantômes ? Voyons, est-il bien sûr que M. Rousseau ait recueilli notre fugitif ? Cette maison à quatre étages lui appartient-elle et l’habite-t-il seul ?

— M. Rousseau ne possède pas un denier, et par conséquent n’a pas de maison à Paris ; peut-être y a-t-il outre lui quinze ou vingt locataires dans cette baraque. Mais prenez ceci pour règle de conduite : toutes les fois qu’un malheur se présente avec quelque probabilité, comptez-y ; si c’est un bonheur, n’y comptez pas. Il y a toujours quatre-vingt-dix-neuf chances pour le mal et une seule pour le bien. Mais, au fait, attendez ; comme je me doutais de ce qui nous arrive, j’ai pris des notes.

— Quelles notes ?

— Mes notes sur M. Rousseau. Est-ce que vous croyez qu’il fait un pas sans qu’on sache où il va ?

— Ah ! vraiment ! Il est donc véritablement dangereux ?

— Non, mais il est inquiétant ; un fou pareil peut se rompre à tout moment un bras ou une cuisse, et l’on dirait que c’est nous qui le lui avons cassé.

— Eh ! qu’il se torde le cou une bonne fois.

— Dieu nous en garde !

— Permettez-moi de vous dire que voilà ce que je ne comprends point.

— Le peuple lapide de temps en temps ce brave Genevois ; mais il se le réserve pour lui, et s’il recevait le moindre caillou de notre part, ce serait nous qu’on lapiderait à notre tour.

— Oh ! je ne connais pas toutes ces façons-là, excusez-moi.

— Aussi userons-nous des plus minutieuses précautions. Maintenant, vérifions la seule chance qui nous reste, celle qu’il ne