Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/132

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de façon à permettre la vue du feu à tous les spectateurs de la place, en élevant ce feu de dix à douze pieds au-dessus du sol.

Les Parisiens arrivèrent, selon leur habitude, par groupes, et cherchèrent longtemps les meilleures positions, privilège inattaquable des premiers venus.

Les enfants trouvèrent des arbres, les hommes graves des bornes, les femmes des garde-fous, des fossés et des échafaudages mobiles dressés en plein vent par les spéculateurs bohèmes comme on en trouve à toutes les fêtes parisiennes, et à qui une riche imagination permet de changer de spéculation chaque jour.

Vers sept heures du soir, avec les premiers curieux, on vit arriver quelques escouades d’archers.

Le service de surveillance ne se fit point par les gardes-françaises, auxquelles le bureau de la ville ne voulut pas accorder la gratification de mille écus demandée par le colonel maréchal duc de Biron.

Ce régiment était à la fois craint et aimé de la population près de laquelle chaque membre de ce corps passait à la fois pour un César et pour un Mandrin. Les gardes-françaises, terribles sur le champ de bataille, inexorables dans l’accomplissement de leurs fonctions, avaient, en temps de paix et hors du service, une affreuse réputation de bandits ; en tenue, ils étaient beaux, vaillants, intraitables, et leurs évolutions plaisaient aux femmes et imposaient aux maris. Mais libres de la consigne, disséminés en simples particuliers dans la foule, ils devenaient la terreur de ceux dont la veille ils avaient fait l’admiration, et persécutaient fort ceux qu’ils allaient protéger le lendemain.

Or, la ville, trouvant dans ses vieux ressentiments contre ces coureurs de nuit et ces habitués de tripots une raison de ne pas donner les mille écus aux gardes-françaises, la ville, disons-nous, envoya ses seuls archers bourgeois, sous ce prétexte spécieux, du reste, que dans une fête de famille, pareille à celle qui se préparait, le gardien ordinaire de la famille devait suffire.