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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/150

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de ce jeune homme : leur application retomba sur lui comme un châtiment.

Le cœur brisé, il s’éloigna des environs de l’ambulance pour suivre sa triste exploration ; au bout d’un instant, emporté par la douleur, on l’entendit crier d’une voix pleine de larmes :

— Andrée ! Andrée !

Près de lui passait en ce moment, marchant d’un pas précipité, un homme déjà vieux, vêtu d’un habit de drap gris, de bas drapés, et de la main droite s’appuyant sur une canne, tandis que de la gauche il tenait une de ces lanternes faites d’une chandelle enfermée dans du papier huilé.

Entendant gémir ainsi Philippe, cet homme comprit ce qu’il souffrait, et murmura :

— Pauvre jeune homme !

Mais, comme il paraissait être venu pour une cause pareille à la sienne, il passa outre.

Puis tout à coup, comme s’il se fût reproché d’être passé devant une si grande douleur sans avoir essayé d’y apporter quelque consolation :

— Monsieur, lui dit-il, pardonnez-moi de mêler ma douleur à la vôtre, mais ceux qui sont frappés du même coup doivent s’appuyer l’un à l’autre pour ne pas tomber. D’ailleurs… vous pouvez m’être utile. Vous cherchez depuis longtemps, car votre bougie est prête à s’éteindre, vous devez donc connaître les endroits les plus funestes de la place.

— Oh ! oui, monsieur, je les connais.

— Eh bien ! moi aussi je cherche quelqu’un.

— Alors, voyez d’abord au grand fossé ; là, vous trouverez plus de cinquante cadavres.

— Cinquante, juste ciel ! tant de victimes tuées au milieu d’une fête !

— Tant de victimes, monsieur ! j’ai déjà éclairé mille visages, et je n’ai pas encore retrouvé ma sœur.

— Votre sœur ?

— C’est là-bas, dans cette direction, qu’elle était. Je l’ai perdue près d’un banc. J’ai retrouvé la place où je l’avais perdue,