Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/179

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visites à Nicole, à cette même Nicole, si hardie maintenant, qu’elle se servait de clefs et de portes au lieu de toits et de cheminées.

Il avait ainsi passé sur les écluses du moulin de Taverney et sur les poutres du toit dénudé d’un vieux hangar.

Il arriva donc au but, sans un seul frémissement, et une fois arrivé au but, se glissa tout fier dans son escalier.

Mais arrivé sur le palier, il s’arrêta court. Des voix retentissaient aux étages inférieurs : c’étaient celle de Thérèse et de certaines voisines qui s’entretenaient du génie de M. Rousseau, du mérite de ses livres et de l’harmonie de sa musique.

Ces voisines avaient lu la Nouvelle Héloïse et trouvaient ce livre graveleux, elles l’avouaient franchement. En réponse à celte critique, madame Thérèse leur faisait observer qu’elles ne comprenaient pas la portée philosophique de ce beau livre.

Ce à quoi les voisines n’avaient rien à répondre, si ce n’est de confesser leur incompétence en pareille matière.

Cette conversation transcendante avait lieu d’un palier à l’autre, et le feu de la discussion était moins ardent que celui des fourneaux, sur lesquels cuisait le souper odorant de ces dames.

Gilbert entendait donc raisonner les arguments et rissoler les viandes.

Son nom prononcé au milieu de ce tumulte lui causa un frisson désagréable.

— Après mon souper, disait Thérèse, j’irai voir si ce cher enfant ne manque de rien dans sa mansarde.

Ce cher enfant lui fit moins de plaisir que la promesse de la visite lui fit de peur. Heureusement, il réfléchit que Thérèse, lorsqu’elle soupait seule, causait longuement avec sa dive bouteille ; que le rôti semblait appétissant, que l’après-souper signifiait… à dix heures. Il n’en était pas huit trois quarts. D’ailleurs, après souper, selon toute probabilité, le cours des idées de Thérèse aurait changé, et elle penserait à toute autre chose qu’au cher enfant.