Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/186

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Il essuya son front ruisselant de sueur.

— Voilà donc comment la chose s’est passée ? demanda Philippe.

— Oui, jusqu’au moment où je me sentis hors de danger ; alors, soit que toute ma vie se soit concentrée dans ce dernier effort que j’avais fait, soit qu’effectivement la terreur que j’avais ressentie dépassât la mesure de mes forces, je m’évanouis.

— Et à quelle heure pensez-vous que cet évanouissement eut lieu ?

— Dix minutes après vous avoir quitté, mon frère.

— C’est cela, poursuivit Philippe, il était minuit à peu près. Comment alors n’êtes-vous revenue ici qu’à trois heures ? Pardonnez-moi un interrogatoire qui peut vous paraître ridicule, chère Andrée, mais qui pour moi a sa raison.

— Merci, Philippe, dit Andrée en serrant la main de son frère, merci. Il y a trois jours, je n’eusse pas encore pu vous répondre, mais aujourd’hui, cela va vous paraître étrange, ce que je vous dis aujourd’hui, ma vue intérieure est plus forte, il me semble qu’une volonté qui commande à la mienne me dit de me souvenir et je me souviens.

— Dites alors, dites, chère Andrée, car j’attends avec impatience. Cet homme vous enleva donc dans ses bras ?

— Dans ses bras ? dit Andrée en rougissant, je ne me rappelle pas bien. Tout ce que je sais, c’est qu’il me tira de la foule ; mais le toucher de sa main me causa le même effet qu’à Taverney, et à peine m’eut-il touchée, que je m’évanouis de nouveau, ou plutôt je me rendormis, car l’évanouissement a des préludes douloureux, et cette fois je ne ressentis que les bienfaisantes impressions du sommeil.

— En vérité, Andrée, tout ce que vous me dites là me semble si étrange, que si c’était un autre que vous qui me racontât de pareilles choses, je n’y croirais point. N’importe, achevez, continua-t-il avec une voix plus altérée qu’il ne voulait le laisser paraître.

Quant à Gilbert, il dévorait chaque parole d’Andrée, lui qui savait que, jusque-là du moins, chaque parole était vraie.