Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/188

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— Moi ? Non.

— Celle du petit Gilbert, par exemple ?

— En effet, dit Andrée, en s’efforçant de rappeler ses souvenirs ; oui, au moment où nous fûmes séparés il était à dix pas de moi.

— Elle m’avait vu, murmura Gilbert.

— C’est qu’en vous cherchant, Andrée, j’ai retrouvé le pauvre enfant.

— Parmi les morts ? demanda Andrée avec cette nuance bien accentuée d’intérêt que les grands ont pour leur subalterne.

— Non, il était blessé seulement ; on l’a sauvé, et j’espère qu’il en réchappera.

— Oh ! tant mieux, dit Andrée ; et qu’avait-il ?

— La poitrine écrasée.

— Oui, oui, contre la tienne, Andrée, murmura Gilbert.

— Mais, continua Philippe, ce qu’il y a d’étrange, et ce qui fait que je vous parle de cet enfant, c’est que j’ai retrouvé dans sa main, raidie par la souffrance, un morceau de votre robe.

— Tiens ! c’est étrange, en effet.

— Ne l’avez-vous pas vu au dernier moment ?

— Au dernier moment, Philippe, j’ai vu tant de figures effrayantes de terreur et de souffrance, d’égoïsme, d’amour, de pitié, de cupidité, de cynisme, qu’il me semble avoir habité une année en enfer ; parmi toutes ces figures, qui m’ont fait l’effet d’une revue que je passais de tous les damnés, il se peut que j’aie vu celle de ce petit bonhomme, mais je ne me le rappelle point.

— Cependant, ce morceau d’étoffe arraché à votre robe, et c’était bien à votre robe, chère Andrée, puisque j’ai vérifié le fait avec Nicole…

— En disant à cette fille pour quelle cause vous l’interrogiez ? demanda Andrée ; car elle se rappelait cette singulière explication qu’elle avait eue à Taverney avec sa femme de chambre, à propos de ce même Gilbert.