Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/238

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— Alors il fallait peut-être destituer ce M. Bignon.

— Le parlement, dont un des membres a failli étouffer dans la bagarre, avait pris l’affaire à cœur ; mais M. l’avocat général Séguier a fait un fort éloquent discours pour prouver que ce malheur était l’œuvre de la fatalité. On a applaudi, et ce n’est plus rien à présent.

— Tant mieux ! Passons aux parlements, duc… Ah ! voilà ce qu’on nous reproche.

— On me reproche, sire, de ne pas soutenir M. d’Aiguillon contre M. de La Chalotais ; mais qui me reproche cela ? les mêmes gens qui ont colporté avec des fusées de joie la lettre de Votre Majesté. Songez donc, sire, que M. d’Aiguillon a outrepassé ses pouvoirs en Bretagne, que les jésuites étaient réellement exilés, que M. de La Chalotais avait raison ; que Votre Majesté elle-même a reconnu par acte public l’innocence de ce procureur général. On ne peut cependant faire se dédire ainsi le roi. Vis-à-vis de son ministre, c’est bien ; mais vis-à-vis de son peuple !

— En attendant, les parlements se sentent forts.

— Ils le sont, en effet. Quoi ! on les tance, on les emprisonne, on les vexe, et on les déclare innocents, et ils ne seraient pas forts ! Je n’ai pas accusé M. d’Aiguillon d’avoir commencé l’affaire La Chalotais, mais je ne lui pardonnerai jamais d’y avoir eu tort.

— Duc ! duc ! allons, le mal est fait, au remède… Comment brider ces insolents ?…

— Que les intrigues de M. le chancelier cessent, que M. d’Aiguillon n’ait plus de soutien, et la colère du parlement tombera.

— Mais j’aurai cédé, duc !

— Votre Majesté est donc représentée par M. d’Aiguillon… et non par moi ?

L’argument était rude, le roi le sentit.

— Vous savez, dit-il, que je n’aime pas à dégoûter mes serviteurs, lors même qu’ils se sont trompés… Mais laissons cette affaire, qui m’afflige, et dont le temps fera justice… Parlons