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LXXXIII

LE COURRIER.


Il était six heures du soir.

Dans cette chambre de la rue Saint-Claude, où nous avons déjà introduit nos lecteurs, Balsamo était assis près de Lorenza éveillée, et essayait par la persuasion d’adoucir cet esprit rebelle à toutes les prières.

Mais la jeune femme le regardait de travers, comme Didon regardait Énée prêt à partir, ne parlait que pour faire des reproches, et n’étendait la main que pour repousser.

Elle se plaignait d’être prisonnière, d’être esclave, et de ne plus respirer, de ne plus voir le soleil. Elle enviait le sort des plus pauvres créatures, des oiseaux, des fleurs. Elle appelait Balsamo son tyran.

Puis, passant du reproche à la colère, elle mettait en lambeaux les riches étoffes que son mari lui avait données pour égayer par des semblants de coquetterie la solitude qu’il lui imposait.

De son côté, Balsamo lui parlait avec douceur et la regardait avec amour. On voyait que cette faible et irritable créature prenait une énorme place dans son cœur sinon dans sa vie.

— Lorenza, lui disait-il, mon enfant chéri, pourquoi montrer cet esprit d’hostilité et de résistance ? Pourquoi ne pas vivre avec moi, qui vous aime au delà de toute expression, comme une compagne douce et dévouée ? Alors vous n’auriez plus rien à désirer ; alors vous seriez libre de vous épanouir au soleil comme ces fleurs dont vous parliez tout à l’heure, d’étendre vos ailes comme ces oiseaux dont vous enviez le sort ; alors nous irions tous deux partout ensemble ; alors vous reverriez non seulement ce soleil qui vous charme tant,