Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/308

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dire, je vous laisse, maréchal. Monsieur le duc, vous êtes ici chez vous.

La comtesse, à ces mots, se retira.

Mais elle avait un projet. La comtesse n’alla pas bien loin. Derrière le boudoir, un grand cabinet s’ouvrait où le roi souvent, lorsqu’il venait à Luciennes, aimait à s’asseoir au milieu des chinoiseries de toute espèce. Il préférait ce cabinet au boudoir, parce que, de ce cabinet, on entendait tout ce qui se disait dans la chambre voisine.

Madame du Barry était donc sûre d’entendre de là toute la conversation du duc et de son neveu ; c’est de là qu’elle allait se former sur ce dernier une opinion irrévocable.

Mais le duc ne fut pas dupe, il connaissait une grande partie des secrets de chaque localité royale ou ministérielle. Écouter pendant que l’on parlait était un de ses moyens, parler pendant qu’on écoutait était une de ses ruses.

Il résolut donc, tout chaud encore de l’accueil que venait de faire madame du Barry à d’Aiguillon, il résolut de pousser jusqu’au bout la veine et d’indiquer à la favorite, sous bénéfice de son absence supposée, tout un plan de petit bonheur secret et de grande puissance, compliquée d’intrigues, double appât friand auquel une jolie femme, et surtout une femme de cour, ne résiste presque jamais.

Il fit asseoir le duc et lui dit :

— Vous voyez, duc, je suis installé ici.

— Oui, monsieur, je le vois.

— J’ai eu le bonheur de gagner la faveur de cette charmante femme qu’on regarde ici comme reine, et qui l’est de fait.

D’Aiguillon s’inclina.

— Je vous dis, duc, poursuivit Richelieu, ce que je n’ai pu vous apprendre comme ça en pleine rue, c’est que madame du Barry m’a promis un portefeuille.

— Ah ! fit d’Aiguillon, cela vous est bien dû, monsieur.

— Je ne sais pas si cela m’est dû, mais cela m’arrive, un peu tard, il est vrai. Enfin, casé comme je le serai, je vais m’occuper de vous, d’Aiguillon.

— Merci, monsieur