Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/69

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— Impossible, dit Balsamo en haussant les épaules, on ne prend pas ici les enfants pour les tuer.

— Bah ! s’écria le vieillard avec une atroce naïveté, qu’est-ce donc qu’on en fait ?

— On les élève, pardieu !

— Ah çà ! le monde est donc changé ? Il y a trois ans, on venait nous en offrir tant que nous en voulions, des enfants, pour quatre charges de poudre ou une demi-bouteille d’eau-de-vie.

— C’était au Congo, maître.

— Eh bien, oui, c’était au Congo. Il m’était égal que l’enfant soit noir, à moi. Ceux qu’on nous offrait, je me le rappelle, étaient très gentils, très frisés, très folâtres.

— À merveille ! dit Balsamo ; mais malheureusement, cher maître, nous ne sommes pas au Congo.

— Ah ! nous ne sommes pas au Congo ? dit Althotas. Eh bien, où sommes-nous donc ?

— À Paris.

— À Paris. Eh bien ! en nous embarquant à Marseille, nous pouvons y être en six semaines, au Congo.

— Oui, cela se pourrait, sans doute, mais il faut que je reste en France.

— Il faut que tu restes en France ! et pourquoi cela ?

— Parce que j’y ai affaire.

— Tu as affaire en France ?

— Oui, et sérieusement.

Le vieillard partit d’un long et lugubre éclat de rire.

— Affaire, dit-il, affaire en France. Ah ! oui, c’est vrai, j’avais oublié, moi. Tu as des clubs à organiser, n’est-ce pas ?

— Oui, maître.

— Des conspirations à ourdir ?

— Oui, maître.

— Tes affaires, enfin, comme tu appelles cela.

Et le vieillard se reprit à rire de son air faux et moqueur.

Balsamo garda le silence, tout en amassant des forces contre l’orage qui se préparait et qu’il sentait venir.

— Et où en sont ces affaires ? Voyons ! dit le vieillard en se