Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/78

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Maître, moyennant ces quatre millions de cadavres, je garantis le bonheur de l’humanité. »

— Maître, dit Balsamo en éludant la réponse, maître, au nom du ciel, cherchez autre chose.

— Ah ! tu ne réponds pas, tu ne réponds pas ? s’écria Althotas triomphant.

— Vous vous abusez, maître, sur l’efficacité du moyen : il est impossible.

— Je crois que tu me conseilles, je crois que tu me nies, je crois que tu me démens, dit Althotas roulant avec une froide colère ses yeux gris sous ses sourcils blancs.

— Non, maître, mais je réfléchis, moi qui vis chacun de mes jours en contact avec les choses de ce monde, en contradiction avec les hommes, en lutte avec les princes, et non pas, comme vous, séquestré dans un coin, indifférent à tout ce qui se passe, à tout ce qui se défend, ou à tout ce qui s’autorise, pure abstraction du savant et du citateur ; moi, enfin, qui sais les difficultés, je les signale, voilà tout.

— Ces difficultés, tu les vaincrais bien vite si tu voulais.

— Dites si je croyais.

— Tu ne crois donc pas ?

— Non, dit Balsamo.

— Tu me tentes ! tu me tentes ! s’écria Althotas.

— Non, je doute.

— Eh bien, voyons ; crois-tu à la mort ?

— Je crois à ce qui est, or, la mort est.

Althotas haussa les épaules.

— Donc la mort est, dit-il ; c’est un point que tu ne contestes pas ?

— C’est une chose incontestable.

— C’est une chose infinie, invincible, n’est-ce pas ? ajouta le vieux savant avec un sourire qui fit frissonner son jeune adepte.

— Oh ! oui, maître, invincible, infinie surtout.

— Et quand tu vois un cadavre, la sueur te monte au front, le regret te vient au cœur ?

— La sueur ne me monte pas au front, parce que je suis familiarisé avec toutes les misères humaines ; le regret ne me