Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/101

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— Ne plus juger… quoi ? demanda la comtesse émue.

— Mais… les procès, madame.

— On ne jugerait pas mon procès, à moi ! s’écria madame de Béarn avec une terreur qu’elle ne cherchait pas même à dissimuler.

— Pas plus le vôtre, madame, que celui de M. le duc.

— Mais c’est inique ! c’est de la rébellion aux ordres de Sa Majesté, cela.

— Madame, répliqua le procureur majestueusement, le roi s’est oublié… nous nous oublions aussi.

— Monsieur Flageot, vous vous ferez mettre à la Bastille, c’est moi qui vous le dis.

— J’irai en chantant, madame, et, si j’y vais, tous mes confrères m’y suivront en portant des palmes.

— Il est enragé ! dit la comtesse à Richelieu.

— Nous sommes tous comme cela, répliqua le procureur.

— Oh ! oh ! fit le maréchal, cela devient curieux.

— Mais, monsieur, vous m’avez dit tout à l’heure que vous vous occupiez de moi, reprit madame de Béarn.

— Je l’ai dit, et c’est vrai… Vous êtes, madame, le premier exemple que je cite dans ma narration ; voici le paragraphe qui vous concerne.

Et il arracha des mains de son clerc le factum commencé, pinça son nez avec ses lunettes et lut avec emphase :

« Leur état perdu, leur fortune compromise, leurs devoirs foulés aux pieds… Sa Majesté comprendra combien ils ont dû souffrir… Ainsi, l’exposant détenait entre ses mains une importante affaire de laquelle dépend la fortune d’une des premières maisons du royaume ; par ses soins, par son industrie, par son talent, il ose le dire, cette affaire marchait à bien, et le droit de très haute et très puissante dame Angélique-Charlotte-Véronique, comtesse de Béarn, allait être reconnu, proclamé, lorsque le souffle de la discorde… s’engouffrant… »

— J’en suis resté là, madame, dit le procureur en se rengorgeant, et je crois que la figure sera belle.

— Monsieur Flageot, dit la comtesse de Béarn, il y a quarante ans que je fis officier pour la première fois monsieur votre