Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/13

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Au premier coup d’œil, le magistrat avait entrevu la cause et le but de cette visite.

Du premier coup d’œil aussi, Balsamo venait d’entrevoir la cassette ouverte et à moitié vidée sur le bureau de M. de Sartine.

Son regard, si fugitivement qu’il eût passé sur le coffret, n’échappa point à M. le lieutenant de police.

— À quel hasard dois-je l’honneur de votre présence, monsieur le comte ? demanda M. de Sartine.

— Monsieur, répondit Balsamo avec un sourire plein d’aménité, j’ai eu l’honneur d’être présenté à tous les souverains de l’Europe, à tous les ministres, à tous les ambassadeurs ; mais je n’ai trouvé personne qui me présentât chez vous. Je viens donc me présenter moi-même.

— En vérité, monsieur, répondit le lieutenant de police, vous arrivez à merveille, car je crois bien que si vous ne fussiez pas venu de vous-même, j’allais avoir l’honneur de vous mander ici.

— Ah ! voyez donc, dit Balsamo, comme cela se rencontre.

M. de Sartine s’inclina avec un sourire ironique.

— Est-ce que je serais assez heureux, monsieur, continua Balsamo, pour pouvoir vous être utile ?

Et ces mots furent prononcés sans qu’une ombre d’émotion ou d’inquiétude rembrunît sa physionomie souriante.

— Vous avez beaucoup voyagé, monsieur le comte ? demanda le lieutenant de police.

— Beaucoup, monsieur.

— Ah !

— Vous désirez quelque renseignement géographique, peut-être ? Un homme de votre capacité ne s’occupe pas seulement de la France, il embrasse l’Europe, le monde…

— Géographique n’est pas le mot, monsieur le comte, moral serait plus juste.

— Ne vous gênez pas, je vous prie ; pour l’un comme pour l’autre, je suis à vos ordres.

— Eh bien, monsieur le comte, figurez-vous que je cherche un