Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/158

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candeur profonde, le miroir resplendissant de l’âme n’était pas même terni par le souffle de tous ces soupçons divers.

Tout à coup le médecin, qui n’avait cessé de la regarder, après avoir dirigé sur elle la lumière de la lampe, lui prit la main comme un ami ou un confesseur, et non plus le pouls comme un médecin.

Ce geste inattendu étonna beaucoup la susceptible Andrée ; elle fut un moment près de retirer sa main.

— Mademoiselle, demanda le docteur, est-ce vous qui avez désiré me voir, ou n’ai-je cédé, en revenant, qu’au désir de votre frère ?

— Monsieur, répondit Andrée, mon frère est rentré en m’annonçant que vous alliez revenir ; mais, d’après ce que vous m’aviez fait l’honneur de me dire ce matin du peu de gravité de ma maladie, je n’eusse point pris la liberté de vous déranger de nouveau.

Le docteur s’inclina.

— Monsieur votre frère, continua-t-il, paraît très emporté, jaloux de son honneur, et intraitable sur certaines matières ; voilà sans doute pourquoi vous avez refusé de vous ouvrir à lui.

Andrée regarda le docteur comme elle avait regardé Philippe.

— Vous aussi, monsieur ? dit-elle avec une suprême hauteur.

— Pardon, mademoiselle, laissez-moi achever.

Andrée fit un geste qui indiquait la patience, ou plutôt la résignation.

— Il est donc naturel, continua le docteur, qu’en voyant la douleur et qu’en pressentant la colère de ce jeune homme, vous ayez obstinément gardé votre secret ; mais, vis-à-vis de moi, mademoiselle, de moi qui suis, croyez-le bien, le médecin des âmes autant que celui du corps, de moi qui vois et qui sais, de moi qui, par conséquent, vous épargne la moitié du pénible chemin des révélations, j’ai droit d’attendre que vous soyez plus franche.