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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/162

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si tu n’avoues ; meurs à l’instant même. Dieu te juge, et je vais te frapper.

Et le jeune homme ramassa convulsivement son épée, et, prompt comme l’éclair, en appuya la pointe sur la poitrine de sa sœur.

— Bien, bien, tuez-moi ! s’écria celle-ci sans s’effrayer de l’éclair qui jaillit de la lame, sans chercher à éviter la douleur de la piqûre.

Et elle s’élança en avant, pleine de douleur et de démence, et son élan fut si vif, que l’épée lui eût traversé la poitrine sans la subite terreur de Philippe, et la vue de quelques gouttes de sang qui tachèrent la mousseline jetée autour du cou de sa sœur.

Le jeune homme était au bout de sa force et de sa colère : il recula, laissa échapper le fer de ses mains, et, tombant à genoux avec des sanglots, il entoura de ses bras le corps de la jeune fille.

— Andrée ! Andrée ! s’écria-t-il, non ! non ! c’est moi qui mourrai. Tu ne m’aimes plus, tu ne me connais plus, je n’ai plus rien à faire en ce monde. Oh ! tu aimes quelqu’un à ce point, Andrée, que tu préfères la mort à un aveu versé dans mon sein ? Ô Andrée ! ce n’est pas toi qui dois mourir, c’est moi qui mourrai !

Et il fit un mouvement pour fuir ; mais déjà Andrée l’avait saisi par le cou avec ses deux mains, égarées, le couvrant de baisers, le baignant de larmes.

— Non, non, dit-elle, tu avais raison d’abord. Tue-moi, Philippe, car on dit que je suis coupable. Mais toi, si noble, si pur, si bon, toi que personne n’accuse, vis, et seulement plains-moi au lieu de me maudire.

— Eh bien, ma sœur, reprit le jeune homme, au nom du ciel, au nom de notre amitié d’autrefois, voyons, ne crains rien, ni pour toi, ni pour celui que tu aimes ; celui-là, quel qu’il soit, me sera sacré, fût-il mon plus cruel ennemi, fût-il le dernier des hommes. Mais je n’ai pas d’ennemi, Andrée ; mais tu es si noble de cœur et de pensée, que tu dois avoir bien choisi ton amant. Eh bien, celui que tu as choisi, je vais l’al-