Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/172

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teur. Fuir était déjà un danger ; mais être découvert, c’était une honte.

La fuite devait faire juger Gilbert coupable ; il repoussa cette idée ; et comme si son esprit n’eût eu de forces que tout juste pour trouver une idée, le malheureux, après la fuite, trouva la mort.

C’était la première fois qu’il y songeait ; l’apparition de ce lugubre fantôme qu’il évoqua ne lui occasionna aucune peur.

— Il sera toujours temps, se dit-il, de songer à la mort lorsque toutes les ressources seront épuisées. D’ailleurs, c’est une lâcheté que de se tuer, M. Rousseau l’a dit ; souffrir est plus noble.

Sur ce paradoxe, Gilbert releva la tête et recommença ses courses vagues dans les jardins.

Il en était aux premières lueurs de la sécurité, lorsque tout à coup Philippe, arrivant comme nous l’avons vu, bouleversa toutes ses idées et le jeta dans une nouvelle série de perplexités.

Le frère ! le frère appelé ! c’était donc bien avéré ! La famille prenait le parti du silence ; oui, mais avec toutes les investigations, tous les raffinements de détails qui, pour Gilbert, valaient tout l’appareil tortionnaire de la Conciergerie, du Châtelet et de la Tournelle. C’est alors qu’on le traînerait devant Andrée, qu’on le forcerait à s’agenouiller, à confesser bassement son crime, et qu’on le tuerait comme un chien avec le bâton ou le couteau. Vengeance légitime qui d’avance avait son immunité dans les précédents d’une foule d’aventures.

Le roi Louis XV était fort complaisant pour la noblesse en de semblables occasions.

Et puis, Philippe était le plus redoutable vengeur que mademoiselle, de Taverney pût appeler à l’aide ; Philippe, le seul de la famille qui eût montré à Gilbert des sentiments d’homme et presque d’égal, Philippe ne tuerait-il pas aussi sûrement le coupable avec un mot qu’avec le fer, si ce mot était : «