Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/174

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périlleux parti… Je me tairai : le roi a trop de moyens de prouver son innocence ou d’écraser mon témoignage. Mais, à défaut du roi, dont le nom ne peut être invoqué en tout ceci sous peine de prison perpétuelle ou de mort, n’ai-je pas cet homme inconnu qui, la même nuit, a fait descendre mademoiselle de Taverney dans le jardin ?… Celui-là, comment se défendra-t-il ? Celui-là, comment le devinerait-on, comment le retrouverait-on si on le devinait ? Celui-là n’est qu’un homme ordinaire, je le vaux bien, et je me défendrai toujours bien contre lui. D’ailleurs on ne songe pas même à moi. Dieu seul m’a vu, ajouta-t-il en riant avec amertume… Mais ce Dieu qui tant de fois vit mes larmes et mes douleurs sans rien dire, pourquoi commettrait-il l’injustice de me révéler en cette occasion, la première qu’il m’ait fournie d’être heureux ?…

« Au surplus, si le crime existe, il est à lui et non à moi, et M. de Voltaire prouve surabondamment qu’il n’y a plus de miracles. Je suis sauvé, je suis tranquille, mon secret m’appartient. L’avenir est à moi. »

Après ces réflexions, ou plutôt cette composition avec sa conscience, Gilbert serra ses outils aratoires, alla prendre avec ses compagnons le repas du soir. Il fut gai, insouciant, provoquant même. Il avait eu des remords, il avait eu peur, c’est une double faiblesse qu’un homme, un philosophe, devait se hâter d’effacer. Seulement il comptait sans sa conscience : Gilbert ne dormit pas.