Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/179

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— Philippe de Taverney ?… Monsieur, dit le comte, j’ai été bien reçu chez votre père, soyez le bien reçu chez moi.

— Ah ! c’est bien heureux, murmura Philippe.

— Veuillez me suivre, monsieur.

Balsamo referma la porte de l’escalier dérobé, et, marchant devant Philippe, il le conduisit au salon où nous avons vu nécessairement se dérouler quelques-unes des scènes de cette histoire, et particulièrement la plus récente de toutes celles qui s’y étaient passées, celle des cinq maîtres.

Le salon était éclairé comme si on eut attendu quelqu’un ; mais il était évident que c’était par une des habitudes luxueuses de la maison.

— Bonsoir, monsieur de Taverney, dit Balsamo d’un son de voix doux et voilé qui força Philippe de lever les yeux sur lui.

Mais, à la vue de Balsamo, Philippe fit un pas en arrière.

Le comte, en effet, n’était plus que l’ombre de lui-même : ses yeux caves n’avaient plus de lumière ; ses joues, en maigrissant, avaient encadré la bouche de deux plis, et l’angle facial, nu et osseux, faisait ressembler toute la tête à une tête de mort.

Philippe demeura atterré. Balsamo regarda son étonnement, et un sourire d’une tristesse mortelle effleura ses lèvres pâles.

— Monsieur, dit-il, je vous fais mes excuses pour mon serviteur ; mais, en vérité, il suivait sa consigne, et c’est vous, permettez-moi de vous le dire, qui vous étiez mis dans votre tort en le forçant.

— Monsieur, dit Philippe, il y a, vous le savez, dans la vie, des situations extrêmes, et j’étais dans une de ces situations.

Balsamo ne répondit point.

— Je voulais vous voir, continua Philippe, je voulais vous parler ; j’eusse, pour pénétrer jusqu’à vous, bravé la mort.

Balsamo continuait de garder le silence et semblait attendre un éclaircissement aux paroles du jeune homme, sans avoir la force ni la curiosité de le demander.