Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/181

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— Oui, et que, selon toute probabilité, elle n’a point été celle d’un homme d’honneur.

— Monsieur, dit Balsamo, je ne vous comprends pas ; vous devez remarquer que ma tête est fatiguée, affaiblie, et que cette faiblesse me cause naturellement des impatiences.

— Monsieur ! s’écria à son tour Philippe irrité du ton plein de hauteur et de calme à la fois que Balsamo gardait avec lui.

— Monsieur, continua Balsamo du même ton, depuis que j’ai eu l’honneur de vous voir, j’ai éprouvé un grand malheur ; ma maison a brûlé en partie, et divers objets précieux, très précieux, entendez-vous bien, ont été perdus pour moi ; il en résulte que j’ai conservé de ce chagrin quelque égarement ; soyez donc fort clair, je vous prie, ou bien je prendrai congé de vous immédiatement.

— Oh ! non pas, monsieur, dit Philippe, non pas, vous ne prendrez point congé de moi aussi facilement que vous le dites ; je respecterai vos chagrins, si vous vous montrez compatissant aux miens ; à moi aussi, monsieur, il est arrivé un malheur bien grand, bien plus grand qu’à vous, j’en suis sûr.

Balsamo sourit de de sourire désespéré que Philippe avait déjà vu errer sur ses lèvres.

— Moi, monsieur, continua Philippe, j’ai perdu l’honneur de ma famille.

— Eh bien, monsieur, répliqua Balsamo, que puis-je faire à ce malheur, moi ?

— Ce que vous pouvez y faire ? s’écria Philippe les yeux étincelants.

— Sans doute.

— Vous pouvez me rendre ce que j’ai perdu, monsieur !

— Ah çà ! vous êtes fou, monsieur ! s’écria Balsamo.

Et il étendit sa main vers la sonnette.

Mais il fit ce geste si mollement et avec si peu de colère que le bras de Philippe l’arrêta aussitôt.

— Je suis fou ? s’écria Philippe d’une voix saccadée ; mais ne comprenez-vous donc pas qu’il s’agit de ma sœur, de ma sœur que vous avez tenue évanouie dans vos bras, le 31 mai ; de ma sœur que vous avez conduite dans une maison, selon