Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/183

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j’eusse voulu, une occasion plus sérieuse que celle dont vous me faites l’offre. Ainsi, monsieur, faites-moi la grâce de vous en retourner tranquillement, et si vous faites du bruit, comme ce bruit me fera mal à la tête, j’appellerai Fritz ; Fritz viendra, et, sur un signe que je ferai, il vous brisera en deux comme un roseau. Allez.

Cette fois, Balsamo sonna, et comme Philippe voulait l’en empêcher, il ouvrit un coffre d’ébène posé sur le guéridon, prit dans ce coffre un pistolet à deux coups qu’il arma.

— Eh bien, j’aime mieux cela, s’écria Philippe, tuez-moi !

— Pourquoi vous tuerais-je ?

— Parce que vous m’avez déshonoré.

Le jeune homme prononça à son tour ces paroles avec un tel accent de vérité, que Balsamo, le regardant d’un œil plein de douceur :

— Serait-il donc possible, dit-il, que vous fussiez de bonne foi ?

— Vous en doutez ? Vous doutez de la parole d’un gentilhomme ?

— Et, continua Balsamo, que mademoiselle de Taverney eût seule conçu l’indigne idée, qu’elle vous eût poussé en ayant, je veux l’admettre ; je vais donc vous donner une satisfaction. Je vous jure sur l’honneur que ma conduite envers mademoiselle votre sœur, dans la nuit du 31 mai, est irréprochable ; que ni point d’honneur, ni tribunal humain, ni justice divine ne peuvent trouver quoi que ce soit de contraire à la plus parfaite prud’homie ; me croyez-vous ?

— Monsieur ! fit le jeune homme étonné.

— Vous savez que je ne crains pas un duel, cela se lit dans les yeux, n’est-ce pas ? Quant à ma faiblesse, ne vous y trompez pas, elle n’est qu’apparente. J’ai peu de sang au visage, c’est vrai, mais mes muscles n’ont rien perdu de leur force, En voulez-vous une preuve ? Tenez…

Et Balsamo souleva d’une seule main, et sans effort, un énorme vase de bronze posé sur un meuble de Boule.

— Eh bien, soit, monsieur, dit Philippe, je vous crois, quant au 31 mai ; mais c’est un subterfuge que vous employez, vous