Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/19

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— Ensuite ?

— Ensuite il a fallu les remplir ; des greniers vides étaient inutiles ; on les a donc remplis.

— Eh bien, monsieur ? fit M. de Sartines, ne voyant pas bien clairement encore où voulait en venir Balsamo.

— Eh bien, vous devinez que pour remplir de très grands greniers il a fallu y mettre une très grande quantité de blé. N’est-ce pas vraisemblable ?

— Sans doute.

— Je continue. Beaucoup de blé retiré de la circulation, c’est un moyen d’affamer le peuple ; car, notez ceci, toute valeur retirée de la circulation équivaut à un manque de production. Mille sacs de grains au grenier font mille sacs de moins sur la place. Multipliez ces mille sacs par dix seulement, le blé augmente aussitôt.

M. de Sartine fut pris d’une toux d’irritation.

Balsamo s’arrêta, et attendit tranquillement que la toux fût calmée.

— Donc, continua-t-il quand le lieutenant de police lui en laissa la loisir, voilà le spéculateur au grenier enrichi du surcroît de la valeur ; voyons, est-ce clair, cela ?

— Parfaitement clair cela, dit M. de Sartine ; mais, à ce que je vois, monsieur, vous auriez la prétention de me dénoncer une conspiration ou un crime dont Sa Majesté serait l’auteur.

— Justement, reprit Balsamo, vous comprenez.

— C’est hardi, monsieur, et je suis véritablement curieux de savoir comment le roi prendra votre accusation ; j’ai bien peur que le résultat ne soit précisément le même que je me proposais en feuilletant les papiers de cette cassette avant votre arrivée ; prenez-y garde, monsieur, vous aboutirez toujours à la Bastille.

— Ah ! voilà que vous ne me comprenez plus.

— Comment cela ?

— Mon Dieu ! que vous me jugez mal et que vous me faites tort, monsieur, en me prenant pour un sot ! Comment, vous vous figurez que je vais m’aller attaquer au roi, moi, un ambassadeur, un curieux ?… Mais ce que vous dites là serait l’œuvre