Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/207

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— Écoutez-moi, continua le docteur avec un geste qui commandait le calme, écoutez-moi. Un philosophe chrétien, dont vous venez de faire un confesseur, est obligé de vous imposer, non pas la condition en faveur du service rendu, mais en vertu du droit de conscience. L’humanité est une fonction, monsieur, elle n’est pas une vertu ; vous me parlez de tuer un homme ; moi je dois vous en empêcher, comme j’eusse empêché par tout moyen en mon pouvoir, par la violence même, l’exécution du crime commis sur votre sœur. Donc, monsieur, je vous adjure de me faire un serment.

— Oh ! jamais ! jamais !

— Vous le ferez, s’écria le docteur Louis avec véhémence, vous le ferez, homme de sang ; reconnaissez partout la main de Dieu, et n’en faussez jamais le coup ni la portée. Le coupable, dites-vous, était sous votre main ?

— Oui docteur, en ouvrant une porte, si j’eusse pu deviner qu’il était là, je me fusse trouvé face à face avec lui.

— Eh bien, il a fui, il tremble, son supplice commence. Ah ! vous souriez, ce que fait Dieu vous paraît faible ! le remords vous semble insuffisant ! attendez, attendez donc ! Vous resterez près de votre sœur, et vous me promettrez de ne jamais poursuivre le coupable. Si vous le rencontrez, c’est-à-dire si Dieu vous le livre, eh bien, je suis homme aussi, moi ! alors vous verrez !

— Dérision, monsieur ; ne me fuira-t-il point toujours !

— Qui sait, eh mon Dieu ! l’assassin fuit, l’assassin cherche une retraite, l’assassin redoute l’échafaud, et pourtant, comme s’il était aimanté, le fer de la justice attire ce coupable, qui vient se courber fatalement sous la main du bourreau. D’ailleurs, s’agit-il, à présent, de défaire ce que vous avez entrepris de faire si péniblement ? C’est pour le monde où vous vivez et à qui vous ne pouvez expliquer l’innocence de votre sœur, c’est pour tous ces curieux oisifs que vous tuerez l’homme, et vous repaîtrez deux fois leur curiosité par l’aveu de l’attentat d’abord, puis par le scandale du châtiment. Non, non, croyez-moi, gardez le silence, ensevelissez ce malheur.