vaincre les répugnances si légitimes d’Andrée ? veux-tu que j’intercède pour toi ? Eh bien !… je le ferai… rends-moi cet enfant… Encore un mot… Andrée aime son fils… ton fils avec frénésie ; elle se laissera toucher par ton repentir, je te le promets, je m’y engage ; mais rends-moi cet enfant, Gilbert rends-le-moi !
Gilbert croisa ses bras en fixant sur Philippe un regard plein du feu le plus sombre.
— Vous ne m’avez pas cru, dit-il, je ne vous crois pas ; non que vous ne soyez un honnête homme, mais parce que j’ai sondé l’abîme des préjugés de caste. Plus de retour possible, plus de pardon. Nous sommes ennemis mortels… Vous êtes le plus fort, soyez vainqueur… Je ne vous demande pas votre arme, moi ; ne me demandez pas la mienne…
— Tu avoues donc que c’est une arme ?
— Contre le mépris, oui ; contre l’ingratitude, oui ; contre l’insulte, oui !
— Encore une fois, Gilbert, dit Philippe l’écume à la bouche, veux-tu ?…
— Non.
— Prends garde !
— Non.
— Je ne veux pas t’assassiner ; je veux que tu aies la chance de tuer le frère d’Andrée. Un crime de plus !… Ah ! ah ! c’est tentant. Prends ce pistolet ; en voici un autre ; comptons chacun jusqu’à trois, et tirons.
Et il jeta un des deux pistolets aux pieds de Gilbert.
Le jeune homme resta immobile.
— Un duel, dit-il, c’est justement ce que je refuse.
— Tu aimes mieux que je te tue ! s’écria Philippe, fou de rage et de désespoir.
— J’aime mieux être tué par vous.
— Réfléchis… Ma tête se perd.
— J’ai réfléchi.
— Je suis dans mon droit : Dieu doit m’absoudre.
— Je le sais… tuez-moi.
— Une dernière fois, veux-tu te battre ?