Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/62

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— Disant, par exemple, que Sa Majesté était accusée d’affamer son peuple.

— Ce à quoi le roi a répondu ?

— Comme le roi répond toujours, par une plaisanterie.

Balsamo respira.

— Et cette plaisanterie, demanda-t-il, quelle est-elle ?

« — Puisqu’on m’accuse d’affamer mon peuple, a-t-il dit, il n’y a qu’une seule réponse à faire à cette accusation : nourrissons-le.

« — Comment cela, sire ? a dit M. de Sartine.

« — Je prends à mon compte la nourriture de tous ceux qui répandent ce bruit, et je leur offre, de plus, le logement dans mon château de la Bastille. »

Balsamo sentit un léger frisson courir dans ses veines, mais il demeura souriant.

— Ensuite ? demanda-t-il.

— Ensuite le roi sembla me consulter par un sourire.

« — Sire, lui dis-je alors, on ne me fera jamais croire que tous ces petits chiffres noirs que vous apporte M. de Sartine veulent dire que vous êtes un mauvais roi.

« Alors le lieutenant de police s’est récrié.

« — Pas plus, ai-je ajouté, qu’ils me prouveront jamais que vos commis sachent lire.

— Et qu’a dit le roi, comtesse ? demanda Balsamo.

— Que je pouvais avoir raison, mais que M. de Sartine n’avait pas tort.

— Eh bien, alors ?

— Alors on a expédié beaucoup de lettres de cachet, parmi lesquelles j’ai vu clairement que M. de Sartine cherchait à en glisser une pour vous. Mais je n’ai point fléchi et l’ai arrêté d’un seul mot.

« — Monsieur, lui ai-je dit tout haut et devant le roi, arrêtez tout Paris si bon vous semble, c’est votre état, mais qu’on ne s’avise pas de toucher à un seul de mes amis… sinon !…

« — Oh ! oh ! fit le roi, elle se fâche ; gare à vous, Sartine.

« — Mais, sire, l’intérêt du royaume…