Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/80

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Il vit assis sur des fauteuils les cinq visiteurs, dont pas un ne se leva quand il parut.

Lui, le maître du logis, les ayant vus tous, les salua civilement. Ce fut alors seulement qu’ils se levèrent et lui rendirent gravement son salut.

Il prit un fauteuil en face des leurs, sans remarquer ou sans paraître remarquer l’étrange ordonnance de cette assistance. En effet, les cinq fauteuils formaient un hémicycle pareil à ceux des tribunaux antiques, avec un président dominant deux assesseurs, et son fauteuil à lui, Balsamo, établi en face de celui du président, occupant la place qu’on donne à l’accusé dans les conciles ou les prétoires.

Balsamo ne prit pas le premier la parole, comme il l’eût fait en toute autre circonstance ; il regardait sans bien voir, toujours par suite de cette douloureuse somnolence qui lui était restée après le choc.

— Tu nous as compris, à ce qu’il paraît, frère, dit le président, ou plutôt celui qui occupait le fauteuil du milieu. Tu as cependant bien tardé à venir, et nous délibérions déjà pour savoir si l’on enverrait à ta recherche.

— Je ne vous comprends pas, répondit simplement Balsamo.

— Ce n’est pas ce que j’avais cru en te voyant prendre vis-à-vis de nous la place et l’attitude de l’accusé.

— De l’accusé ? balbutia vaguement Balsamo.

Et il haussa les épaules.

— Je ne comprends pas, dit-il.

— Nous allons te faire comprendre, et cela ne sera pas difficile, si j’en crois ton front pâle, tes yeux éteints, ta voix qui tremble… On dirait que tu n’entends pas.

— Si fait, j’entends, répondit Balsamo en secouant la tête comme pour en faire tomber des pensées qui l’obsédaient.

— Te souvient-il, frère, continua le président, que, dans ses dernières communications, le comité supérieur t’ait donné avis d’une trahison méditée par un des grands appuis de l’ordre ?