Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/88

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de si loin en science ; il a voulu hériter de l’œuvre laborieuse que j’avais presque menée à fin, il a tendu un piÈge à moi, à moi, son maître, son bienfaiteur. Oh ! Acharat !… »

Et peu à peu la colère du vieillard s’allumait, ses joues reprenaient un coloris fébrile ; dans ses yeux, à peine ouverts, se ranimait l’éclat sombre, de ces lumières phosphorescentes que les enfants sacrilÈges placent dans les orbites d’une tête de mort.

Alors il s’écriait :

— Reviens, Acharat, reviens ; prends garde à toi : tu sais que je connais des conjurations qui évoquent le feu, qui suscitent les esprits surnaturels ; j’ai évoqué Satan, celui que les mages nommaient Phégor, dans les montagnes de Gad, et Satan, forcé d’abandonner les abîmes sombres, Salan m’est apparu ; j’ai causé avec les sept anges ministres de la colère de Dieu, sur cette même montagne où Moïse a reçu les tables de la loi ; j’ai, par Le seul acte de ma volonté, allumé le grand trépied à sept flammes que Trajan a ravi aux Juifs : prends garde, Acharat, prends garde !

Mais rien ne lui répondait.

Et alors sa tête s’embarrassant de plus en plus :

— Tu ne vois donc pas, malheureux, disait-il d’une voix étranglée, que la mort va me prendre comme une créature vulgaire : écoute, tu peux revenir, Acharat ; je ne te ferai point de mal ; reviens ; je renonce au feu, tu n’as rien à craindre du mauvais esprit, tu n’as rien à craindre des sept anges vengeurs ; je renonce à la vengeance, et cependant je pourrais te frapper d’une telle épouvante, que tu deviendrais idiot et froid comme le marbre, car je sais arrêter la circulation du sang, Acharat ; reviens donc, je ne te ferai aucun mal ; mais au contraire, vois-tu, je puis te faire tant de bien… Acharat, au lieu de m’abandonner, veille sur ma vie, et tous mes trésors, tous mes secrets sont à toi ; fais-moi vivre, Acharat ; fais-moi vivre pour te les apprendre ; vois !… vois !…

Et il montrait des yeux et d’un doigt tremblant les millions d’objets, de papiers et de rouleaux épars dans cette vaste chambre.