Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/98

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— Mais oui, franchement.

— Eh bien, dans la galerie des glaces, à onze heures, pendant que, moi, j’entrerai chez Sa Majesté.

— Soit, adieu.

— Sans rancune, cher baron, dit Richelieu, qui jusqu’au dernier moment tenait à ne pas se faire un ennemi, dont la force était encore inconnue.

Taverney remonta dans son carrosse et partit pour faire seul et pensif une longue promenade dans le jardin, tandis que Richelieu, laissé aux soins de ses valets de chambre, se rajeunissait à son aise, importante occupation qui ne prit pas moins de deux heures à l’illustre vainqueur de Mahon.

C’était, cependant, bien moins de temps encore que Taverney ne lui en avait accordé dans son esprit, et le baron, aux aguets, vit à onze heures précises le carrosse du maréchal s’arrêter devant le perron du palais, où les officiers de service saluèrent Richelieu, tandis que les huissiers l’introduisirent.

Le cœur de Taverney battait avec violence : il abandonna sa promenade, et lentement, plus lentement que son esprit ardent ne l’eût permis, il se rendit dans la galerie des glaces, où bon nombre de courtisans peu favorisés, d’officiers porteurs de placets et de gentillâtres ambitieux, posaient comme des statues sur le parquet glissant, piédestal fort bien approprié au genre de figures amoureuses de la Fortune.

Taverney se perdit en soupirant dans la foule, avec cette précaution, cependant, de prendre une encoignure à portée du maréchal, lorsqu’il sortirait de chez Sa Majesté.

— Oh ! murmurait-il entre ses dents, être relégué avec les hobereaux et ces plumets sales, moi, moi qui il y a un mois soupais en tête à tête avec Sa Majesté !

Et de son sourcil plissé s’échappait plus d’un soupçon infâme qui eût fait rougir la pauvre Andrée.