Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/130

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reptiles ne coassaient pas, la victime seule se tordait entre les bras de deux hommes et criait au ciel, à la terre, aux hommes et aux choses.

Hoffmann entendit soudain dans son oreille, par la fente du volet, ces mots prononcés tristement par une voix d’homme jeune :

— Pauvre Du Barry ! te voilà donc !

— Madame Du Barry ! s’écria Hoffmann, c’est elle, c’est elle qui passe là sur cette charrette ?

— Oui, monsieur, répondit la voix basse et dolente à l’oreille du voyageur, et de si près, qu’à travers les planches il sentait le souffle chaud de son interlocuteur.

La pauvre Du Barry se tenait droite et cramponnée au col mouvant de la charrette ; ses cheveux châtains, l’orgueil de sa beauté, avaient été coupés sur la nuque, mais retombaient sur les tempes en longues mèches trempées de sueur ; belle avec ses grands yeux hagards, avec sa petite bouche, trop petite pour les cris affreux qu’elle poussait, la malheureuse femme secouait de temps en temps la tête par un mouvement convulsif, pour dégager son visage des cheveux qui le masquaient.

Quand elle passa devant la borne où Hoffmann s’était affaissé, elle cria : « Au secours ! sauvez-moi ! je n’ai pas fait de mal ! au secours ! » et faillit renverser l’aide du bourreau qui la soutenait.

Ce cri : Au secours ! elle ne cessa de le pousser au milieu du plus profond silence des assistants. Ces furies, accoutumées à insulter les braves condamnés, se sentaient remuées par l’irrésistible élan de l’épouvante d’une femme ; elles sentaient que leurs vociférations n’eussent pas réussi à