Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/190

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son libre arbitre, et où il devenait le jouet d’un monde qui existait pour lui sans exister pour les autres.

Aussi, à l’heure accoutumée, retourna-t-il le lendemain à son estaminet de la rue de la Monnaie ; mais il eut beau s’envelopper d’un nuage de fumée nul visage ressemblant à celui du docteur n’apparut au milieu de cette fumée ; mais il eut beau fermer les yeux, nul, lorsqu’il les rouvrit, n’était assis sur le tabouret qu’il avait placé de l’autre côté de la table.

Huit jours s’écoulèrent ainsi.

Le huitième jour, Hoffmann, impatient, quitta l’estaminet de la rue de la Monnaie une heure plus tôt que de coutume, c’est-à-dire vers quatre heures de l’après-midi, et par Saint-Germain-l’Auxerrois et le Louvre gagna machinalement la rue Saint-Honoré.

À peine y fut-il, qu’il s’aperçut qu’un grand mouvement se faisait du côté du cimetière des Innocens, et allait s’approchant vers la place du Palais-Royal. Il se rappela ce qui lui était arrivé le lendemain du jour de son entrée à Paris, et reconnut le même bruit, la même rumeur qui l’avait déjà frappé lors de l’exécution de madame Du Barry. En effet, c’étaient les charrettes de la Conciergerie, qui, chargées de condamnés, se rendaient à la place de la Révolution.

On sait l’horreur qu’Hoffmann avait pour ce spectacle ; aussi, comme les charrettes avançaient rapidement, s’élança-t-il dans un café placé au coin de la rue de la Loi, tournant le dos à la rue, fermant les yeux et se bouchant les oreilles, car les cris de madame Du Barry retentissaient encore au fond de son cœur ; puis, quand il supposa que