Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/195

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Le démon du jeu est comme Satan : il a le pouvoir d’emporter le joueur sur la plus haute montagne de la terre, et de lui montrer de là tous les royaumes du monde.

Puis, quel bonheur, quelle joie, quel orgueil, quand Hoffmann rentrerait chez Arsène, dans ce même boudoir dont on l’avait chassé ! de quel suprême dédain il écraserait cette femme et son terrible amant, quand, pour toute réponse à ces mots : Que venez-vous faire ici ? il laisserait, nouveau Jupiter, tomber une pluie d’or sur la nouvelle Danaé !

Et tout cela n’était plus une hallucination de son esprit, un rêve de son imagination, tout cela, c’était la réalité, c’était le possible. Les chances étaient égales pour le gain comme pour la perte ; plus grandes pour le gain ; car, on le sait, Hoffmann était heureux au jeu.

Oh ! ce numéro 113, ce numéro 113, avec son chiffre ardent, comme il appelait Hoffmann, comme il le guidait, phare infernal, vers cet abîme au fond duquel hurle le Vertige en se roulant sur une couche d’or !

Hoffmann lutta pendant plus d’une heure contre la plus ardente de toutes les passions. Puis, au bout d’une heure, sentant qu’il lui était impossible de résister plus longtemps, il jeta une pièce de quinze sous sur la table, en faisant don à l’officieux de la différence, et tout courant, sans s’arrêter gagna le quai aux Fleurs, monta dans sa chambre, prit les trois cents thalers qui lui restaient, et, sans se donner le temps de réfléchir, sauta dans une voiture en criant :

— Au Palais-Égalité !